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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/38

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chercha en son esprit des moyens de se défaire de lui, sur l’imagination qu’elle avait qu’il nuirait à son entreprise. De le mener droit à la chambre de sa maîtresse, ainsi qu’il désirait, elle ne le trouva pas fort à propos d’autant qu’il lui sembla qu’il faudrait, possible, qu’elle fût employée à faire la sentinelle ou quelque autre chose à l’heure que ses compagnons viendraient pour accomplir leur intention. Elle lui fit donc accroire que Laurette était malade, et qu’elle lui avait donné charge de lui faire savoir qu’il ne la pouvait voir pour cette fois-là. Francion, très marri de cette aventure, fut forcé de reprendre alors le chemin de l’échelle. Il était au milieu, lorsque Catherine, qui avait une âme méchante et déloyale, voulant se venger de l’obstacle qu’il lui était avis qu’il mettait à ses desseins, donna à ses bras toutes les forces que sa rage pouvait faire accroître, et se mit à secouer la corde pour le faire tomber. Comme il se vit traité de cette façon, après s’être glissé un peu plus bas, il connut bien qu’il lui fallait faire le saut, de peur que ses membres ne fussent froissés en se choquant contre la muraille. Ses mains quittent donc la prise de l’échelle, et tout d’une secousse il s’élance pour se jeter à terre ; mais il fut si malheureux, qu’il tomba droit dedans la cuve où Valentin s’était baigné, contre les bords de laquelle il se fit un grand trou à la tête, dont il sortit tant de sang, qu’en peu de temps l’eau en devint entièrement rouge. L’étonnement et l’étourdissement qu’il eut en cette chute le mirent en tel état, qu’il demeura évanoui et n’eut pas le soin de s’empêcher d’avaler une grande quantité d’eau, dont il pensa être noyé.