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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/40

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parfaitement dès qu’il eut fermé les fenêtres de la chambre par lesquelles il eût pu entrer quelque clarté qui l’eût découvert. Laurette, avec une mignardise affectée, s’était recouchée négligeamment sur le lit en attendant son champion, qui dressa son escarmouche sans parler autrement que par les baisers. Après que ce premier assaut fut donné, la belle, à qui l’excès du plaisir avait auparavant interdit la parole, en prit soudainement l’usage, et dit à Olivier en mettant son bras à l’entour de son col et le baisant à la joue, aux yeux et en toutes les autres parties du visage :



— Cher Francion, que ta conversation est bien plus douce que celle de ce vieillard radoteux à qui j’ai été contrainte de me marier, que les charmes de ton mérite sont grands, que je m’estime heureuse d’avoir été si clairvoyante que d’en être éprise. Aussi jamais ne sortirai-je d’une si précieuse chaîne. Tu ne parles point, mon âme, continua-t-elle avec un baiser plus ardent que les premiers ; est-ce que ma compagnie ne t’est pas aussi agréable que la tienne l’est à moi ? Hélas, s’il était ainsi, je porterais bien la peine de mes imperfections.

Là-dessus, s’étant tue quelque temps, elle reprit un autre discours :

— Ah ! vraiment, j’ai été bien sotte tantôt d’éteindre la chandelle ; car qu’est-ce que je crains ? Ce vieillard est sorti de céans afin d’aller, je pense, se servir des remèdes que vous lui avez appris pour guérir ses maux incurables. Il faut que je commande à Catherine qu’elle apporte de la lumière ; je ne suis pas entièrement de l’opinion de ceux qui affirment que les mystères d’amour