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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/41

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se doivent faire en ténèbres ; je sais bien que la vue de notre objet ranime tous nos désirs. Et puis, je ne le cèle point, ma chère vie, je serais bien aise de voir l’émeraude que tu as promis de m’apporter ; je pense que tu as tant de soin de me complaire, que tu ne l’as pas oubliée. L’as-tu ? dis-moi en vérité.

Rien ne pouvait garantir à Olivier de se découvrir alors, se voyant conjuré par tant de fois de parler, comme s’il eût été Francion. Mais, songeant bien que Laurette pourrait se courroucer excessivement, connaissant qu’elle avait été déçue, il se proposa de chercher tous les moyens de l’apaiser. Il se tira de dessus le lit, et, s’étant mis à genoux devant elle, lui dit :

— Madame, je suis infiniment marri que vous vous soyez trompée comme vous êtes, me prenant pour votre ami. Et véritablement, si vos caresses n’eussent échauffé mon désir, je ne me fusse pas porté si librement à perpétrer le crime que j’ai commis. Prenez de moi telle vengeance qu’il vous plaira ; je sais bien que ma vie et ma mort sont entre vos mains. Faites-moi souffrir tous les supplices dont vous vous aviserez ; je suis si prêt à les endurer que si je trouve du pardon en votre miséricorde j’aurai de la peine à m’accoutumer à en goûter les douceurs.

La voix d’Olivier, bien différente de celle de Francion, fit connaître à Laurette qu’elle s’était abusée. La honte et le dépit la saisirent tellement, que, si elle n’eût considéré que l’on ne pouvait faire que ce qui avait été fait ne le fût point, elle se fut par aventure portée à d’étranges extrémités. Le plus doux remède qu’elle sut appli-