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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/44

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— D’où viens-tu ? lui dit-elle. Quoi, tu n’es pas encore déshabillée, et il est si tard.

— Je vous jure, Madame, que je ne saurais dormir, répondit Catherine ; j’ai toujours peur ou des esprits ou des larrons, parce que vous me faites coucher en un lieu trop éloigné de tout le monde ; voilà pourquoi je ne me déshabille guère souvent, afin que, s’il m’arrive quelque chose, je ne sois pas contrainte de m’en venir toute nue demander du secours. Mais vous, Madame, est-il possible que vous puissiez ici vivre toute seule sans aucune crainte ? Mon Dieu, je vous supplie de me permettre que je passe ici la nuit, puisque monsieur n’y est pas. Je dormirai mieux sur cette chaise que sur mon lit, et si je ne vous incommoderai point ; car, au contraire, je vous y servirai beaucoup, en vous donnant incontinent tout ce qui vous sera nécessaire.

— Non, non, dit Laurette, retourne-t’en en ta chambre, je n’ai que faire de toi, et, puisque j’ai de la lumière je n’aurai plus de crainte. Ce n’est que dans les ténèbres que je m’imagine, en veillant, de voir tantôt un chien, tantôt un homme noir, et tantôt un autre fantôme encore plus effroyable.

— Mais vraiment, interrompit Catherine en faisant la rieuse, vous avez un mari bien dénaturé. Hé Dieu, comment est-ce qu’il s’est pu résoudre à vous quitter cette nuit-ci, ainsi qu’il a fait ? Pour moi, je vous confesse que, toute fille que je suis, je me trouve plus capable de vous aimer que lui.

— Allez, allez, vous êtes une sotte, dit Laurette. Hoi ! les premiers jours que vous avez été céans, vous avez