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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/76

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demanda si moi, qui avait étudié, qui avais voyagé et qui avais fréquenté les plus savants personnages de l’Europe, je n’avais point appris quelque recette qui fût propre à guérir son mal.

— Ce n’est pas tant pour mon plaisir que je désire de me voir sain en cette partie que pour celui de ma femme, continua-t-il ; car, quant à moi, je me sens assez satisfait de ce que j’ai.

Je demeurai quelque temps à songer, et, une insigne invention m’étant venue à l’esprit, je lui répondis que tous les remèdes qu’enseigne la médecine ne lui pouvaient de rien servir, et qu’il n’y avait que ceux de la magie qui le pussent assister. Lui, qui est assez gros chrétien, se résolut d’accomplir tout ce que je lui ordonnerais, si j’étais docte en cet art. Pour lui persuader que l’on n’en pouvait plus savoir que je faisais, je lui montrai beaucoup de petites gentillesses qui se font naturellement, lesquelles il prit néanmoins pour des miracles ; comme de tirer du feu d’une certaine pierre que j’avais sur moi en jetant de l’eau dessus, de transmuer l’eau en vin avec une poudre que j’y mettais secrètement, et de faire plusieurs tours de cartes.

Francion, rapporta là-dessus, les choses qu’il avait commandé de faire à Valentin, qui sont celles-là même que j’ai dit qu’il fit. Il raconta qu’il avait comploté avec Laurette d’aller passer la nuit avec elle cependant ; et que son valet, ayant contrefait le démon et lié Valentin à un arbre afin qu’il ne s’en retournât point au château, et aidé à lui monter à une échelle, s’en était allé dormir, de sorte qu’il ne l’avait point secouru quand il était