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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/75

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traire de ce que j’attendais, voulut m’étonner des menaces qu’elle me fit, de découvrir à Valentin qui j’étais, et le sujet de mon voyage ; mais je lui dis que cela ne m’épouvantait guère, parce qu’après la perte de ses bonnes grâces celle de mon honneur ni de ma vie ne me touchaient point.

Quelque petit trait de douceur, que je remarquait en ses dernières paroles, me promit des faveurs singulières. À n’en point mentir, je ne fus pas trompé ; car lorsque je parlai à elle depuis, lui ayant tenu des discours qui eussent apprivoisé l’âme d’un tigre, ils eurent du pouvoir sur la sienne qui n’est pas des plus farouches. Que me sert-il d’allonger mon histoire par tant de contes inutiles ? Enfin je vainquis celle qui m’avait vaincu ; elle rechercha aussi diligemment que moi l’occasion d’assouvir ses désirs.

Valentin, à qui elle avait baillé encore de bien avantageuses impressions de ma piété et de mon savoir en toutes choses, voyant que je ne le visitais point, me vint chercher en mon hôtellerie, où ma franchise l’obligea à me découvrir sa plus secrète affaire, qui était qu’il se trouvait bien empêché en son ménage, parce qu’il avait épousé une jeune femme fringante, qui ne demandait qu’à folâtrer, et que Saturne n’était pas bien accouplé, étant avec Vénus.

Du premier abord, je me doutai qu’il me voulait faire entendre couvertement qu’il y avait à refaire à ses pièces ; néanmoins, j’attendis qu’il se fût mieux expliqué, sans lui témoigner que je savais sa pensée. Je le consolai sur ce sujet comme je trouvai bon, et, sur la fin, il me