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AVANT-PROPOS.

point aussi qu’il ait été imprimé par les soins ou par les ordres de celui à qui on l’attribue, et il ne doit point répondre des fautes d’autrui. Depuis un grand nombre d’années, ceci a été abandonné aux libraires, qui y ont ajouté faute sur faute. Il se trouve quelques contes qui sont assez agréables ; mais il seroit à souhaiter qu’on n’y eût point mêlé des choses qui offensent les âmes pures[1]. » Ce désaveu est des plus entortillés ; en le pressant bien, on pourrait en tirer un demi-aveu. Ne semble-t-il pas, en effet, ressortir de cette citation que Francion n’est rien moins qu’étranger à Sorel ? Les « quelques contes qui sont assez agréables, » voilà sa part ; le sieur du Parc « y a mêlé des contes fort licencieux, et d’autres encore y ont travaillé ; » voilà pour le reste.

Sorel dit ailleurs : « Pour un livre qui ait la vraie forme d’un roman, on nous met en jeu l’Histoire comique de Francion, laquelle a été imprimée pour la première fois il y a plus de quarante ans et qui semble autorisée, en ce que depuis si longtemps plusieurs se plaisent autant à la voir que le premier jour, après plus de soixante impressions de Paris, de Rouen, de Troyes et d’autres lieux, outre qu’elle a été traduite en anglois, en allemand et en quelques autres langues. On croit que ce soit là un préjugé pour elle ; néanmoins on peut dire que les peuples s’abusent souvent ; que les choses qui les divertissent sont celles qu’ils aiment le mieux, sans prendre garde à leurs défauts, et qu’il y a quantité de livres fort méchans que l’on imprime beaucoup de fois. Quelques gens sages et retenus ne manquent point de condamner le livre dont nous parlons… On peut répondre que, lorsqu’il fut fait, il étoit le plus modeste d’entre les livres facétieux ; qu’alors le Parnasse satirique, la Quintessence satirique, le livre intitulé le Moyen de parvenir, et quelques autres semblables qui étoient entre les mains de beaucoup de gens, se trouvoient remplis de paroles impudiques, au lieu que celui-ci étoit plus retenu, et que, s’il pouvoit blesser par le sens et par l’imagination de certains lieux, au moins son langage étoit dans des termes honnêtes, et que ceux qui ne le lisoient point à mauvaise intention n’y voyoient rien de fort nuisible ; que si, depuis, la mode étoit passée de tels livres envers quelques personnes, celui-ci leur a paru trop libre, on n’a pas sçu empêcher pourtant le cours d’un ouvrage que d’autres gens aiment bien de la sorte qu’il est, tellement qu’on en a réitéré les impressions ; qu’à en parler sainement il n’y a rien là que des descriptions naïves des vices de quelques hommes et de tous leurs défauts, pour s’en moquer et les faire haïr, ou de quelques tromperies des autres, pour nous apprendre à nous en garder ; que, si quelques scrupuleux du siècle y trouvent à redire, ils doivent penser que cela n’a

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