Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/53

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qu’il ne s’en retournât point au château, lui avoit aidé à monter à une échelle, et s’en étoit allé dormir ; de sorte qu’il ne l’avoit point secouru, quand il étoit tombé dans une cuve. Il n’oublia pas à lui dire aussi tout ce qui étoit arrivé le matin de la servante de Laurette. Il ne put dire pourtant comment tout cela s’étoit fait et ne parla point de l’aventure d’Olivier, qui lui étoit inconnue ; mais enfin il ne laissa rien en arrière de ce qu’il savoit assurément.

En tout cela, l’on voit clairement que ses mœurs étoient fort perverties, et qu’il se laissoit merveilleusement emporter aux délices, et que néanmoins il étoit trompé par de faux charmes, et qu’il ne jouissoit point du bonheur qu’il s’étoit figuré, étant au lieu de cela en un très-mauvais équipage ; ce qui doit servir d’exemple et d’instruction pour ceux qui veulent mener une pareille vie, leur faisant connoitre que c’est un très-mauvais chemin.







LIVRE SECOND


L’envie que Francion avoit de prendre du repos fit qu’il pria celui qui étoit couché à son côté d’attendre au lendemain, s’il vouloit émouvoir quelques questions sur les succès qu’il lui avoit récités, ou s’il désiroit apprendre quelque autre chose de lui. Le gentilhomme, l’ayant donc laissé dormir se mit en après si fort à penser aux plaisans succès qu’il venoit d’entendre, qu’il le pensa réveiller en riant à gorge déployée. Toutefois il eut tant de puissance sur soi, qu’il ne se donna point la liberté de rire autrement que dedans le cœur. Dès qu’il avoit ouï le nom de Francion, il avoit bien reconnu le personnage qu’il avoit pratiqué en sa jeunesse ; mais ses actions et la vive peinture de son humeur le faisoient bien mieux reconnoître que toute autre chose. Néan-