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constitutions. Il examine encore ces lois dans le rapport qu’elles ont avec les crimes et les peines, la levée des impôts et les revenus de l'État. On vient de voir par quels liens intimes cette question des finances publiques se rattache à la liberté politique des citoyens. La définition que Montesquieu fait des impôts est devenue classique. « Les revenus de l’État sont une portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la sûreté de l’autre. » Il prouve les avantages des impôts indirects, et paraît incliner vers l’impôt progressif : il y est porté peut-être par ses illusions sur les républiques anciennes, mais il y est engagé surtout par l’exemple de la capitation, telle qu’on l’appliquait, de son temps, aux privilégiés : elle se réglait, non d’après la fortune, mais d’après la dignité et le rang des contribuables dans l’État. Montesquieu condamne la régie et s’élève vigoureusement contre la maltôte et la gabelle. « Tout est perdu, dit-il, lorsque la profession lucrative des traitants parvient encore par ses richesses à être une profession honorée. »

Ses études sur les lois criminelles sont, à juste motif, rangées parmi ses plus beaux titres à la reconnaissance de l’humanité. Il n’a déployé nulle part plus de force dans la pensée et plus de finesse dans le style, que dans le chapitre sur la puissance des peines. C’est un de ceux où sa parenté avec Montaigne se signale par le plus de traits : « Il ne faut point mener les hommes par les voies extrêmes ; on doit être ménager des moyens que la nature nous