Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/118

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donne pour les conduire. Qu'on examine la cause de tous les relâchements, on verra qu’elle vient de l’impunité des crimes et non pas de la modération des peines. »

C’est le pur esprit du XVIIIe siècle qui commente cette maxime dans le chapitre suivant, tout plein d’allusions et d’insinuations, sous ce titre inattendu : Impuissance des lois japonaises. « Les peines outrées peuvent corrompre le despotisme même. » Un législateur sage doit chercher « à ramener les esprits par un juste tempérament des peines et des récompenses ; par des maximes de philosophie, de morale et de religion… ; par la juste application des règles de l’honneur ; par le supplice de la honte… » Voilà bien, dira-t-on, l’idylle philosophique et la sensibilité de nos pères ! Cependant la science positive de notre temps n’a rien découvert de plus efficace pour amender les criminels, et l’on vit à la fin du siècle passé, après la Terreur et le Directoire, à quoi mènent les répressions excessives. Montesquieu l’avait annoncé : « Il reste un vice dans l’État, que cette dureté a produit ; les esprits sont corrompus, ils se sont accoutumés au despotisme. »

Tout le monde sait que Montesquieu a eu l’honneur de contribuer à l’abolition de la torture. On a moins souvent remarqué les arguments péremptoires qu’il produit contre les confiscations. Il y avait du courage à les produire en son temps. La confiscation était en plein usage dans les tribunaux criminels ; on ne la supprima en 1790 que pour la