Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/120

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l'hérésie. C’était le droit commun à l’époque où écrivait Montesquieu. L’aventure de La Barre et celle de Calas ont fait assez de bruit pour que nul n’en ignore. La déclaration de 1724, qui confirmait et résumait les plus implacables mesures de Louis XIV contre les réformés, était en pleine vigueur. On ne peut imaginer de loi plus cruelle ; celle qui sévissait en Angleterre contre les catholiques ne l’était pas davantage. On voyait encore des autodafés en Portugal et en Espagne. « Le mal, dit Montesquieu, est venu de cette idée qu’il faut venger la Divinité… » Le sacrilège simple, délit purement religieux, ne peut être puni que par l’expulsion du temple et la privation de la société des fidèles. Quant au sacrilège qui entraîne un trouble dans l’exercice de la religion, c’est un crime de la nature de ceux qui choquent la tranquillité des citoyens, et il faut le classer avec ces crimes-là. En d’autres termes, la loi civile ne connaît point le sacrilège et ne saurait le réprimer.

Montesquieu s’arrête peu sur la répression de l’hérésie ; mais il condamne cette répression en quelques lignes d’une raillerie hautaine, par des rapprochements qui sont une flétrissure. « Maxime importante : il faut être très circonspect dans la poursuite de la magie et de l’hérésie… » Que servent d’ailleurs les persécutions et les supplices ? « Des hommes qui croient des récompenses sûres dans l’autre vie échapperont au législateur ; ils auront trop de mépris pour la mort. » Dans cette conviction, il adresse une très humble remontrance