Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/136

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exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu’on peut les négliger pour ceux des autres. » À titre de curiosité et pour finir sur cet article, relevons cette réflexion qui termine le chapitre du Commerce des Grecs : « Quelles causes de prospérité pour la Grèce que des jeux qu’elle donnait, pour ainsi dire, à l’univers ! » Montesquieu inventeur des expositions universelles, voilà une note piquante à ajouter à l’histoire de l’omnibus de Pascal !

On pourrait, en isolant les grands et généreux aperçus de Montesquieu sur les devoirs de la société envers ses membres, montrer en lui un précurseur du moderne socialisme d’État. « Un homme n’est pas pauvre parce qu’il n’a rien, mais parce qu’il ne travaille pas, » dit-il en commençant son chapitre des Hôpitaux, et il poursuit : « l’État doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable, et un genre de vie qui ne soit point contraire à la santé. » L’État est tenu de conjurer les crises industrielles, « soit pour empêcher le peuple de souffrir, soit pour éviter qu’il ne se révolte ». Le moyen, c’est d’ouvrir des écoles pour les professions manuelles, de faciliter l’exercice de ces professions et d’assurer les ouvriers contre les risques qui s’ensuivent. Dans les pays de commerce, « où beaucoup de gens n’ont que leur art, l’État est souvent obligé de pourvoir aux besoins des vieillards, des malades et des orphelins. Un État bien