Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/18

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liciteurs avec mépris. Il ne se sentait point orateur, et ne se trouvait propre ni aux harangues solennelles ni même aux rapports d’apparat, qui étaient la gloire de la magistrature. Son activité se portait vers la grande curiosité intellectuelle et les divertissements de la pensée ; il y trouva le meilleur aliment dans la société de Bordeaux, où sa naissance et son état le mettaient au premier rang.

« Cet état de la robe, qui se trouvait entre la grande noblesse et le peuple », ouvrait le champ le plus large à un observateur politique. Il formait le centre du monde éclairé dans les provinces. Bordeaux était une des villes où la culture intellectuelle paraissait le plus en honneur. On y avait institué une Académie « pour polir et perfectionner les talents admirables que la nature donne si libéralement aux hommes nés sous ce climat. » Ainsi s’exprimait le fondateur de cette compagnie. Montesquieu y fut admis, de droit en quelque sorte, et il se jeta d’abord dans les études scientifiques.

Sous l’impulsion de Newton, l’observation et l’étude de la nature se dégageaient de la compilation confuse et de la légende. Montesquieu, qui avait écrit un essai sur La politique des Romains dans la religion, et un autre sur Le système des idées, se consacra, pour un temps, à l’anatomie, à la botanique, à la physique : il étudia les glandes rénales, les causes de l’écho et celles de la transparence des corps. Mais sa vue, qui fut toujours faible, lui rendait les expériences difficiles ; son esprit, qui fut