Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/46

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vent cités. Je ne puis me défendre d’extraire quelques lignes de la lettre sur les Espagnols. On y voit bien les raisons de l’admiration de Stendhal pour les Lettres persanes. Les émules de Montesquieu dans notre siècle ne l’ont certainement point surpassé dans cette façon large et incisive de manier le burin.

« Il n’y a jamais eu, dans le sérail du Grand Seigneur, de sultane si orgueilleuse de sa beauté, que le plus vieux et le plus vilain mâtin ne l’est de la blancheur olivâtre de son teint, lorsqu’il est dans une ville du Mexique, assis sur sa porte, les bras croisés. Un homme de cette conséquence, une créature si parfaite, ne travaillerait pas pour tous les trésors du monde, et ne se résoudrait jamais, par une vile et mécanique industrie, de compromettre l’honneur et la dignité de sa peau… Mais quoique ces invincibles ennemis du travail fassent parade d’une tranquillité philosophique, ils ne l’ont pourtant pas dans le cœur ; car ils sont toujours amoureux. Ils sont les premiers hommes du monde pour mourir de langueur sous la fenêtre de leurs maîtresses ; et tout Espagnol qui n’est pas enrhumé ne saurait passer pour galant. Ils sont premièrement dévots et secondement jaloux… Ils disent que le soleil se lève et se couche dans leur pays : mais il faut dire aussi qu’en faisant sa course, il ne rencontre que des campagnes ruinées et des contrées désertes. »

J’ajoute un trait, qui est le trait final du livre et qui est tout l’homme : la modération parfaite du juge-