Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/45

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sur la persécution des juifs, ses allusions à la révocation de l'Édit de Nantes, comptent parmi les pages qui honorent le plus ses écrits. Elles annoncent l’auteur de l'Esprit des lois.

Cet auteur se révèle à des signes de plus en plus marqués à mesure que la correspondance s’allonge entre les deux Persans. Le roman, la convention, le colifichet oriental, le clinquant du début disparaissent peu à peu de l’ouvrage. Les aperçus de l’historien, les vues du moraliste remplacent les observations décousues et les pointes dénigrantes du satirique. On prend ici Montesquieu sur le fait, et tel qu’il pensait, au vol de ses lectures. Il me semble que les dernières Lettres persanes nous donnent l’idée la meilleure et la plus complète des notes qu’il prenait, et qui sont en partie, dit-on, conservées à La Brède. Montesquieu a développé, dans ces lettres, ce qui lui venait à l’esprit, comme il le concevait, et à mesure qu’il le concevait. Il aborde, par le côté et en passant, la plupart des problèmes qu’il voudra bientôt approfondir, et qu’il s’efforcera de coordonner. Ses idées sur le droit des gens et sur la conquête, sur l’avancement des sciences, sur la classification des gouvernements, sur les origines féodales et germaniques de la liberté, percent çà et là, et parfois se découvrent avec une véritable ampleur à travers la trame légère de ces lettres. Ses jugements sur la dissolution de l’empire turc et sur la décadence de l’Espagne, qu’il discerna d’un coup d’œil si perspicace, ont été ou-