Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/134

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seul fait qu’ils s’intitulent révolutionnaires, veulent reproduire l’histoire des révolutionnaires de 93. Les blanquistes, qui se regardent comme les légitimes propriétaires de la tradition terroriste, estiment qu’ils sont, par cela même, appelés à diriger le mouvement prolétarien[1] ; ils montrent pour les syndicalistes beaucoup plus de condescendance que les autres socialistes parlementaires ; ils sont assez disposés à admettre que les organisations ouvrières finiront par comprendre qu’elles n’ont rien de mieux à faire qu’à se mettre à leur école. Il me semble que, de son côté, Jaurès, en écrivant l’Histoire socialiste de 93, ait, plus d’une fois, songé aux enseignements que ce passé, mille fois mort, pouvait lui donner pour la conduite du présent.


On ne fait pas toujours bien attention aux grands changements qui sont survenus dans la manière de juger la révolution depuis 1870 ; cependant ces changements sont essentiels à considérer quand on veut comprendre les idées contemporaines relatives à la violence.

Pendant très longtemps la Révolution apparut comme étant essentiellement une suite de guerres glorieuses qu’un peuple, affamé de liberté et emporté par les pas-

  1. Le lecteur pourra se reporter utilement à un très intéressant chapitre du livre de Bernstein : Socialisme théorique et socialdémocratie pratique, pp. 47-63. Bernstein, étranger aux préoccupations de notre syndicalisme actuel, n'a pas, à mon sens, tiré du marxisme tout ce qu'il contient. Son livre a, d'ailleurs, été écrit à une époque où l'on ne pouvait pas encore comprendre le mouvement révolutionnaire, en vue duquel sont écrites ces réflexions.