Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/192

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contexte ; d’après Marx, la classe ouvrière sent peser sur elle un régime dans lequel « s’accroît la misère, l’oppression, l’esclavage, la dégradation, l’exploitation » et contre lequel elle organise une résistance toujours croissante, jusqu’au jour où toute la structure sociale s’effondre[1]. Maintes fois on a contesté l’exactitude de cette description fameuse, qui semble beaucoup mieux convenir aux temps du Manifeste (1847) qu’aux temps du Capital (1867) ; mais cette objection ne doit pas nous arrêter et elle doit être écartée au moyen de la théorie des mythes. Les divers termes que Marx emploie pour dépeindre la préparation au combat décisif, ne doivent pas être pris pour des constatations matérielles, directes et déterminées dans le temps ; c’est l’ensemble seul qui doit nous frapper et cet ensemble est parfaitement clair : Marx entend nous faire comprendre que toute la préparation du prolétariat dépend uniquement de l’organisation d’une résistance obstinée, croissante et passionnée contre l’ordre de choses existant.

Cette thèse est d’une importance suprême pour la saine intelligence du marxisme ; mais elle a été souvent contestée, sinon en théorie, du moins en pratique ; on a soutenu que le prolétariat devait se préparer à son rôle futur par d’autres voies que par celles du syndicalisme révolutionnaire. C’est ainsi que les docteurs de la coopération soutiennent qu’il faut accorder à leur recette une place notable dans l’œuvre d’affranchissement ; les démocrates disent qu’il est essentiel de supprimer tous les pré-

  1. Capital, tome I, p. 342, col. 1,