Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/193

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jugés qui proviennent de l’ancienne influence catholique, etc. Beaucoup de révolutionnaires croient que, si utile que puisse être le syndicalisme, il ne saurait suffire à organiser une société qui a besoin d’une philosophie, d’un droit nouveau, etc ; comme la division du travail est une loi fondamentale du monde, le socialisme ne doit pas rougir de s’adresser aux spécialistes qui ne manquent point en matière de philosophie et de droit. Jaurès ne cesse de répéter ces balivernes. Cet élargissement du socialisme est contraire à la théorie marxiste aussi bien qu’à la conception de la grève générale ; mais il est évident que la grève générale commande la pensée d’une manière infiniment plus claire que toutes les formules.

2° J’ai appelé l’attention sur le danger que présentent pour l’avenir d’une civilisation les révolutions qui se produisent dans une ère de déchéance économique ; tous les marxistes ne semblent pas s’être bien rendu compte de la pensée de Marx sur ce point. Celui-ci croyait que la grande catastrophe serait précédée d’une crise économique énorme ; mais il ne faut pas confondre les crises dont Marx s’occupe, avec une déchéance ; les crises lui apparaissaient comme le résultat d’une aventure trop hasardeuse de la production qui a créé des forces productives hors de proportion avec les moyens régulateurs dont dispose automatiquement le capitalisme de l’époque. Une telle aventure suppose que l’on a vu l’avenir ouvert aux plus puissantes entreprises et que la notion du progrès économique a été tout à fait prépondérante à une telle époque. Pour que les classes moyennes, qui peuvent trouver encore des conditions d’existence passable dans le régime capitaliste, puissent se joindre au prolétariat, il faut que la pro-