Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/275

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L’introduction de l’antipatriotisme dans le mouvement ouvrier est d’autant plus remarquable qu’elle s’est produite au moment où le gouvernement était en train de faire passer dans la pratique les théories solidaristes. Léon Bourgeois a beau faire ses grâces les plus aimables au prolétariat ; vraiment il l’assure que la société capitaliste est une grande famille et que le pauvre a une créance sur la richesse générale ; il peut soutenir que toute la législation contemporaine s’oriente vers les applications de la solidarité ; le prolétariat lui répond en niant, de la manière la plus grossière, le pacte social, par la négation du devoir patriotique. Au moment où il semblait que l’on ait trouvé le moyen de supprimer la lutte de classe, voilà donc qu’elle renaît sous une forme particulièrement déplaisante[1].


Ainsi tous les braves gens arrivent à des résultats qui sont en pleine contradiction avec leurs efforts ; c’est à désespérer de la sociologie ! S’ils avaient le sens commun et s’ils avaient vraiment le désir de protéger la société contre un accroissement de la brutalité, ils n’acculeraient pas les socialistes à la nécessité de la tactique qui s’impose aujourd’hui à eux ; ils resteraient tranquilles au lieu de se dévouer pour le devoir social ; ils béniraient les

    sentiel est que pour la très grande majorité des syndicalistes révolutionnaires, l’antipatriotisme apparaisse comme inséparable de leur action syndicaliste.

  1. Cette propagande a produit des résultats qui ont dépassé de beaucoup les espérances de ses promoteurs, et qui seraient inexplicables sans l’idée révolutionnaire.