Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/28

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catholiques, expulsant les prêtres, introduisant le culte réformé et promulguant des lois de proscription contre les papistes. On n’empruntait plus aux apocalypses l’idée d’une grande catastrophe finale dans laquelle les compagnons du Christ ne seraient que des spectateurs, après s’être longtemps défendus contre les attaques sataniques ; les protestants, nourris de la lecture de l’Ancien Testament, voulaient imiter les exploits des anciens conquérants de la terre sainte ; ils prenaient donc l’offensive et voulaient établir le royaume de Dieu par la force. Dans chaque localité conquise, les calvinistes réalisaient une véritable révolution catastrophique, changeant tout de fond en comble.

Le calvinisme a été finalement vaincu par la Renaissance ; il était plein de préoccupations théologiques empruntées aux traditions médiévales et il arriva un jour où il eut peur de passer pour être demeuré trop arriéré ; il voulut être au niveau de la culture moderne, et il a fini par devenir simplement un christianisme relâché[1]. Aujourd’hui fort peu de personnes se doutent de ce que les réformateurs du xvie siècle entendaient par libre examen ; les protestants appliquent à la Bible les procédés que les philologues appliquent à n’importe quel texte profane ; l’exégèse de Calvin a fait place à la critique des humanistes.

L’annaliste qui se contente d’enregistrer des faits, est tenté de regarder la délivrance comme un rêve ou comme une erreur ; mais le véritable historien considère les cho-

  1. Si le socialisme périt, ce sera évidemment de la même manière, pour avoir eu peur de sa barbarie.