Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/292

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qui pouvait menacer la République opportuniste et assez cynique pour chercher des moyens de défense dans une organisation politico-criminelle capable de mâter les conservateurs.

Au temps de l’empire, le gouvernement avait cherché à diriger les sociétés de secours mutuels, de manière à être le maître des employés et d’une partie des artisans ; plus tard, il avait cru possible de trouver dans les associations ouvrières une arme capable de ruiner l’autorité du parti libéral sur le peuple et d’effrayer les classes riches qui lui faisaient une opposition acharnée depuis 1863. Waldeck-Rousseau s’inspirait de ces exemples et espérait organiser parmi les ouvriers une hiérarchie placée sous la direction de la police[1].

Dans une circulaire du 25 août 1884, Waldeck-Rousseau expliquait aux préfets qu’ils ne devaient pas s’enfermer dans la fonction trop modeste de gens chargés de faire respecter la loi ; ils devaient stimuler l’esprit d’association, « aplanir sur sa route les difficultés qui ne sauraient manquer de naître de l’inexpérience et du défaut d’habitude de cette liberté » ; leur rôle serait d’autant plus utile et plus grand qu’ils seraient parvenus à inspirer davantage confiance aux ouvriers ; le ministre leur recommandait, en termes diplomatiques, de prendre la direction morale du mouvement syndical[2] : « Bien

  1. J’ai signalé déjà cela dans l’Ère nouvelle, mars 1894, p. 339.
  2. D’après le député socialiste Marius Devèze, le préfet du Gard a pris cette direction du mouvement syndical sous le ministère Combes, (Études socialistes, p. 323.) — Je trouve