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III


Les explications précédentes vont nous permettre de comprendre les idées que se forment les démocrates éclairés et les braves gens sur le rôle des syndicats ouvriers.


On a très souvent félicité Waldeck-Rousseau d’avoir fait voter, en 1884, la loi sur les syndicats. Pour se rendre compte de ce qu’on attendait de cette loi, il faut se représenter quelle était la situation de la France à cette époque : de grands embarras financiers avaient conduit le gouvernement à signer avec les compagnies de chemins de fer des conventions que les radicaux avaient dénoncées comme étant des actes de brigandage ; la politique coloniale donnait lieu aux plus vives attaques et était foncièrement impopulaire[1] ; le mécontentement qui devait se traduire, quelques années plus tard, sous la forme du boulangisme, était déjà très marqué ; et les élections de 1885 faillirent donner la majorité aux conservateurs. — Waldeck-Rousseau, sans être un très profond voyant, était assez perspicace pour comprendre le danger

  1. Dans sa Morale publiée en 1883, Y. Guyot s’élève avec violence contre cette politique : « Malgré les expériences désastreuses [de deux siècles], nous prenons la Tunisie, nous sommes sur le point d’aller en Égypte, nous partons pour le Tonkin, nous rêvons la conquête de l’Afrique centrale. » (p. 339.)