Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/305

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capitaliste est une bonne aubaine[1] — doit en faire profiter les personnes qui ont droit à son affection ou à son estime : tout d’abord les curés[2] et ensuite les clients des curés. S’il ne respecte pas cette règle, il est une canaille, un franc-maçon ou un juif ; il n’y a pas de violences qui ne soient permises contre un pareil suppôt de Satan. Quand donc on entend des prêtres tenir un langage révolutionnaire, il ne faut pas s’arrêter aux formes et croire que ces orateurs véhéments ont quelques sentiments socialistes ; il faut seulement être certain que des capitalistes n’ont pas été assez généreux.

Ici encore l’arbitrage va s’imposer ; il faudra faire appel aux hommes ayant une grande expérience de la vie, pour savoir quels sacrifices doivent être consentis par les riches en faveur des pauvres clients de l’Église.


IV


L’étude que nous venons de faire ne nous a pas conduits à penser que les théoriciens de la paix sociale soient sur une voie qui puisse conduire à une morale digne d’être admise ; nous allons maintenant procéder à une

  1. Je ne crois pas qu’il y ait gens moins capables de comprendre l’économie de la production que les prêtres.
  2. En Turquie, lorsqu’un haut dignitaire du palais a reçu un pot-de-vin, le Sultan exige que l’argent lui soit remis et il rend ensuite à son employé une partie de la somme ; la fraction rendue varie suivant que le souverain est, plus ou moins, de bonne humeur. La morale du Sultan est aussi celle de l’Église.