Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/79

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1789 avait été faite pour faire disparaître toute distinction de classes dans le droit ; c’est pour cette raison qu’ils s’opposaient aux projets de législation sociale qui, presque toujours, réintroduisent la notion de classe et distinguent parmi les citoyens des groupes qui sont incapables de se servir de la liberté. « La Révolution avait cru supprimer les classes, — écrivait avec mélancolie Joseph Reinach, dans le Matin du 19 avril 1895 ; — elles renaissent sous chacun de nos pas... Il est nécessaire de constater ces retours offensifs du passé, mais il ne faut pas s’y résigner ; il faut les combattre »[1].

La pratique électorale a amené beaucoup de républicains à reconnaître que les socialistes obtenaient de grands succès en utilisant les passions de jalousie, de déception ou de haine qui existent dans le monde ; ils ont, dès lors, aperçu la lutte des classes, et beaucoup ont emprunté aux socialistes parlementaires leur jargon : ainsi est né le parti qu’on appelle radical-socialiste. Clemenceau assure même qu’il connaît des modérés qui se sont faits socialistes du jour au lendemain : « En France, dit-il, les socialistes que je connais[2] sont d’excellents radicaux qui jugent que les réformes sociales n’avancent pas à leur gré et se disent qu’il est de bonne tactique de réclamer le plus pour avoir le moins. Que de noms et que d’aveux secrets je pourrais citer à l’appui de mon dire ! Ce serait bien inutile, car il n’y a rien de moins mystérieux. » (Aurore, 14 août 1905).

  1. J. Reinach, Démagogues et socialistes, p. 198.
  2. Clemenceau connaît, fort bien et d’ancien temps, tous les socialistes du parlement.