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II


Les efforts qui ont été tentés pour amener la disparition des causes d’hostilité qui existent dans la société moderne, ont incontestablement abouti à des résultats, — encore que les pacificateurs se soient bien trompés sur la portée de leur œuvre. En montrant à quelques fonctionnaires des syndicats que les bourgeois ne sont pas des hommes aussi terribles qu’ils l’avaient cru, en les comblant de politesses dans des commissions constituées dans les ministères ou au Musée social, en leur donnant l’impression qu’il y a une équité naturelle et républicaine, supérieure aux haines ou aux préjugés de classe, on a pu changer l’attitude de quelques anciens révolutionnaires[1]. Un grand désordre a été jeté dans l’esprit des classes ouvrières à la suite de ces conversions de quelques-uns de leurs anciens chefs ; beaucoup de découragement a remplacé l’ancien enthousiasme chez plus d’un socialiste ; bien des travailleurs se sont demandé si l’organisation syndicale allait devenir une variété de la politique, un moyen d’arriver.

  1. Il y a peu de choses nouvelles sous le soleil en matière de clowneries sociales. Aristote a déjà donné des règles de paix sociale ; il dit que les démagogues « devraient dans leurs harangues ne paraître préoccupés que de l’intérêt des riches, de même que dans les oligarchies, le gouvernement ne devrait sembler avoir en vue que l’intérêt du peuple. » (Loc. cit.). Voilà un texte que l’on devrait inscrire à la porte des bureaux de la Direction du Travail.