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le vampire.

bat ; mais il lui fallait préparer cette force factice. Pris à l’improviste, il faiblissait. La nuit, un simple récit le rendait pusillanime comme un enfant ; et, néanmoins, il éprouvait une âpre jouissance à se procurer ces appréhensions fictives. Ainsi que ce poète allemand qui plaçait une femme auprès de lui pour le rassurer dans les frayeurs hallucinantes que lui communiquaient ses conceptions fantastiques, de même Amadeus se créait, la nuit, par la confusion de tous les bruits du jour, des fantômes et des apparitions chimériques qui l’effrayaient. En un mot, en voyage, il ne redoutait jamais les attaques à main-armée ; dans les rues des villes, il marchait sans aucun souci des voleurs et des brigands de nuit ; il traversait, le jour, une forêt déserte, sans armes ; mais, dans sa chambre, il redoutait, le soir, la présence d’un homme sous son lit. Souvent, il avait voulu se guérir de cette bizarrerie de tempérament, mais toujours, contre ses fortes résolutions, sa nature avait faibli. Toutefois, ce soir-là, sous la lumière du gaz, il n’appréhendait aucune apparition. Cependant, l’étrangeté de style de la lettre trouvée si extraordinairement près de lui à son réveil, la signature qui la terminait, le choix du lieu de rendez-vous sur les pierres tumulaires de Westminster, cette heure même de | minuit si influente autrefois, toutes ces circonstances accumulées dans son cerveau fébrile agissaient bruyamment.

Mais, comme tous les esprits malades, Amadeus était amoureux, et, comme tous les amoureux, il était jaloux. Le pauvre jeune homme n’avait ni présomption, ni haute idée de sa valeur personnelle. Il attribuait ingénument sa position heureuse dans le monde au hasard. Le hasard est un guide bien fantasque. Amadeus le savait ; aussi