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le vampire.

agissant ainsi par programme, on jouit en rêve de toutes ces choses, l’espérance vous y mène joyeux. Les hommes vertueux par saccades, excessifs par caprice, sont des esprits atroces, des cœurs sur lesquels on ne peut compter ni pour la générosité, ni pour les vices.

À Paris, l’amour est distrait, à Londres, tout à lui-même, il s’élève à des proportions vertigineuses, il se magnifie et vous plonge dans des limbes hallucinantes. À Paris, d’abord on enjambe les détails, ensuite l’imagination capricieuse n’a pas la force de transformer les réalités ; aussi, les esprits fantasques ne pouvant façonner à leur gré les créations finies, cherchent continuellement une forme inconnue. À Londres, la passion est un fluide qui change tout à la volonté du caprice, qui montre la nature humaine à travers un prisme.

C’était donc une de ces soirées hivernales pendant lesquelles il est bon d’avoir richesse, amour et santé. Si je n’étais pas trop humble pour me permettre d’adresser un souhait à quelqu’un qui m’est aussi cher que rare, ce serait là la triade que je désirerais à mon lecteur. Mais ne touchons pas à ces sujets abruptes, à ces expressions mal sonnantes. Parler politique est peut-être un des plus sûrs symptômes de rachitisme.

Horatio et mylady Mackinguss, tous les deux assis à l’extrémité d’un sopha d’une flexibilité à faire sauter d’effroi un cockney sortant de Drury-lane et rêvant de chausse-trapes, causaient de futilités et de riens. Devant eux se tenait trapue une table de porcelaine aux valves surdorées, meuble tout semblable à celui que la reine Victoria envoya à Saint-Cloud, et sur lequel jouait Louis-Philippe pendant les après-dîners d’été.