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le vampire.

détruire ce passé, se rejeter hors du cercle qui le retenait !… Mais il n’avait encore traversé que la partie laborieuse du drame, l’heure suprême lui était réservée, et, d’avance, il se complaisait à cette mise en scène vengeresse.

Paris, rêve ; Londres, réalité. Ici on désire, là bas on aime. Il y a sur le bord de la Seine une classe de jeunes gens oisifs qui emploient exclusivement leur jeunesse à l’amour. C’est du moins ainsi qu’ils nomment ce sentiment brutal et cavalier qui a cours dans certains boudoirs. Puis, un jour, lassés de femmes de plaisir et de divinités de théâtre, inertes auprès des visages plâtrés et des cœurs passés au chloroforme, ils se marient. Et, tout ébahis, ils considèrent leur jeune épousée comme un phénomène. Ils se croient désillusionnés du spectacle de l’amour et n’en ont vu que les décors. Leurs mœurs ignorent les préludes, les mystères, les grandes joies silencieuses que procure le cœur à son éclosion. Mais, ce qu’il y a de triste, c’est qu’après avoir perdu les fois et les réalités de la jeunesse, ces pauvres personnages rentrent dans leur province, se posent en réductions de Richelieu et de Brummel, et calomnient les femmes de Paris. Pour eux, Paris c’est le quartier Bréda ; leurs fêtes sont uniquement des orgies chez un restaurateur en renom avec des écuyères et des lorettes, c’est-à-dire des filles de chambre et des cuisinières de belle venue enlevées de leurs antichambres et de leurs cuisines. Les allures de ces jeunes bourgeois composent une bouffonnerie qui m’a toujours réjoui et réunissent largement les deux éléments du burlesque, — sottise et ridicule. — Pendant que ces beaux sportsmen courtisent des