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le vampire.

hétaires et des actrices plus laides qu’eux, les crétins et les niais s’attaquent à la véritable femme et réussissent. Et le spectacle de ces choses constitue une des bonnes joyeusetés du siècle !… Voyez les donc passer ces belles filles pâles comme des corolles de serres-chaudes. Leur bouche est dédaigneuse, leur regard limpide et menteur. Elle raille faussement ce jeune homme qui lui parle. Toute la foule l’admire. L’adolescent lui lance en dessous une œillade craintive, l’homme lui envoie détroussement un coup-d’œil qu’elle saisit, le vieillard se retourne et s’arrête sans vergogne. Ah ! elle est bien belle, bien splendide cette pâle jeune fille que sa mère étale ainsi. Eh bien, ajournez-la à l’heure de la grande action de la vie chez la femme, au mariage. Elle se parera blanchement, ce jour là, car la pauvre vierge sera pure encore… elle n’aura aimé que son confesseur, — un maître de langues stupide et crasseux, — un vieux lion portant perruque, — un valet de la maison de son père !… Et la belle fille épouse un butor, un thersite qu’elle aimera, choyera, et qui la rendra jalouse !

Aux heures de réflexion, Robert s’effrayait du passé. Son orgueil ne saignait plus. Il lui fallait ramasser en lui tout son courage.

Toutefois, il existe un amour qu’il n’avait pas goûté. Une femme l’avait rendu insensé, mais son cœur lui disait tout bas qu’un cœur de vierge pouvait le faire heureux. Heureux !… Hélas ! n’était-il donc pas descendu dans un cercle où la haine seule devait présider à ses rêves !… Son cœur pouvait-il se rallumer ?… Il marchait désespéré dans sa voie fatale, maudissant l’heure mauvaise pendant laquelle cet impitoyable génie le saisit.