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le vampire.

— Hélas ! mon ami, mon projet est de le conduire à Paris.

— Vous voulez lui faire faire son droit. Eh bien, ce n’est pas mon avis. Le droit est le gouffre où se jettent maintenant capacités et incapacités. Votre fils est intelligent, nous pourrons faire de lui mieux qu’un avocat.

Le visage de Valérie rayonna d’orgueil et d’espérance.

— Placez-le dans une école préparatoire pour l’admission à l’école polytechnique. Nous passerons facilement sur le chapitre des frais que nécessitent ces études. J’ai quelques fonds devant moi ; je vous les offre. Au sortir de l’école, le gouvernement rétribuera votre fils ; ainsi son avenir est pour moi une hypothèque certaine.

La pauvre mère, émue jusqu’aux larmes, ne put parler ; elle saisit les mains du docteur et se jeta dans ses bras. — Celui-ci la reçut sans aucune émotion démonstrative.

Le jeune Raoul Noirtier sortit un des premiers de l’école polytechnique. Il serait impossible de définir le bonheur qu’éprouva sa mère lorsqu’il se présenta devant elle. La création avait donc atteint la hauteur du rêve. Devant son œuvre Valérie faillit devenir folle. Rien ne saurait balancer cette admiration de la mère pour son fils, c’était de l’extase, du délire, de l’enfantillage, du ridicule. Mais aussi Raoul était beau ; — magnifique marbre éclairé d’une vive intelligence — et, plus heureuse que le sculpteur Pygmalion, la mère avait une statue animée.

Il n’est pas, pour les âmes fières, de plus doux sentiment que celui de la supériorité conquise. Valérie eut l’occasion de le savourer avec orgueil. Elle avait, de par