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le vampire.

le monde, une nièce tout aussi peu favorisée qu’elle par la fortune, mais d’une excessive beauté. Or, il advint qu’un de ces hommes qui, semblant avoir violé la destinée, joignent à une nature indomptable la puissance de l’or, l’aima. Il se nommait le comte de Boistilla. Longtemps il tourna autour de cette femme, mais son insuccès jeta dans son amour une forte dose de vanité ; ne pouvant espérer d’obtenir la nièce de Valérie pour maîtresse, il employa un moyen déplorable, il l’épousa. La comtesse Mathilde, par son caractère et par sa beauté, on pourrait se dispenser de le dire, contrastait de tous points avec son mari. Celui-ci l’aimait brutalement, et recevait en retour, cette soumission craintive que certains débauchés préfèrent à l’amour.

Le comte ne voulut jamais voir sa parente, madame Noirtier, cette pauvresse, disait-il, qui avait fait la sottise de préférer un maladif crétin au beau Nohé-Nahm. Mais bientôt on parla, dans le monde, des succès du jeune Raoul. Les hommes sérieux l’attiraient pour ses connaissances, les femmes, ces êtres frivoles et futiles, l’agréaient pour sa jolie tournure. Tant que l’obscurité avait enveloppé nos deux personnages, personne ne s’inquiéta de remarquer le peu de liaison qui existait entre le châtelain et sa parente. Ce dédain pour les parents pauvres trouvait même de l’approbation chez certains officieux du comte. Mais alors, on en {{corr|chuchotta|chuchota} quelques mots. M. de Boistilla en eut avis ; aussi, conseillé par sa femme, il résolut d’inviter son jeune cousin à passer quelques jours dans sa terre. C’est cette invitation qui répandit l’ivresse sur l’amour-propre de la mère de Raoul.