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le vampire.

deux, chaque soir, entraient dans un songe heureux, et le matin dans la pénombre du sommeil savouraient leur rêve noyé d’une demi réalité. Les sensations de l’aube de l’amour sont les plus douces. Le parfum enivre plus que le goût. C’est fort triste, surtout pour les gourmands. Et, qui n’est pas un peu gourmand en toute chose, si ce ne sont les sots et les vieilles protestantes.

Cependant, bien qu’il fut amoureux, Robert n’agissait pas étourdiment dans son bonheur. Se plaisant aux fleurs et aux senteurs du chemin, il marchait lentement. Jamais on ne verra un homme intelligent hâter le dénouement en amour, précipiter les phases. Certains, même, retardent les préludes, paressent sur une situation qui plaît, font séjour dans une incidence imprévue. Mais peu de femmes comprennent cette théorie. Moins sages que nous, elles bouleversent tous nos plans. Les femmes ne savent pas aimer.

Après tout, l’amour n’est pas une chose gaie, et je lui préfère beaucoup le caprice, par la même cause que le vaudeville me plaît quelquefois bien mieux qu’un poème. Pour un seul amour on a bien des caprices !… L’amour, c’est le sentiment en lingot, le caprice, c’est le même sentiment monnayé.

Ainsi, lorsque Robert eut bien éprouvé toutes les premières sensations, trituré minutieusement les derniers grains essenciés, il pensa à faire un pas en avant. Un jour, ayant pénétré dans la rue des Quinze-Vingt, il jeta un regard sur les maisons faisant face à celle qu’habitait l’inconnue. Une planche peinte, placée sur l’imposte d’une petite porte étroite, indiquait un hôtel meublé. Un de ces hôtels mystérieux, obscurs dans lesquels il doit se passer