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le vampire.

— Peux-tu penser, enfant, que je mangerais dehors, lorsque je sais que, toi, tu souffres ici ! — Reste-t-il encore du pain d’hier ?…

— Un peu, je crois, fit la jeune fille d’une voix navrante. Et, s’étant levée, elle sortit d’une armoire un tout petit morceau de pain sec ; quantité à peine suffisante pour un enfant.

— Il y en a bien peu !… souria péniblement Antarès.

— Mangez le tout, je n’ai pas faim…

— Oh ! n’aie pas recours au mensonge pour me cacher ton besoin !… À peine, as-tu mangé hier soir. Pauvre enfant ! à ton âge, il est désolant de ne pouvoir se nourrir !…

— Je ne sors pas, comment voulez-vous que j’aie de l’appétit.

— De l’appétit !… Oui, quand on a de quoi manger, on nomme la faim de l’appétit. On n’ose se servir du véritable mot !…

Antarès partagea le morceau de pain, mais irrégulièrement. Il plaça la plus forte part devant la jeune fille. Cette portion pesait peut-être une once. Le morceau qu’il se réserva équivalait à deux bouchées. Mais, la généreuse enfant repoussa bien vite ce gros morceau et s’empara du petit.

— Oh ! je vous en prie, vous avez marché toute la matinée, vous êtes fatigué et vous me donnez presque tout le pain !…

— Ophélia, ne le refuse pas, je t’en supplie… tu es plus faible que moi.

Mais la pauvre enfant tomba à ses pieds et le regarda avec une expression implorante. Ses grands yeux bleus