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le vampire.

pleins de larmes, disaient tant de générosité, qu’Antarès n’insista pas. Il mangea la forte part. La jeune fille absorba son pain en deux bouchées et but une gorgée d’eau par dessus.

Cette nourriture insuffisante, ne fit que réveiller la faim assoupie. La faim !… monstre épouvantable, qui désole les villes, besoin honteux, qui prend souvent l’enfant au berceau, le torture toute la vie et ne le lâche qu’à la tombe. Il y en a qui font une profession d’avoir faim, qui jettent ce mot à votre pitié, vous poursuivent de cette lamentation banale, et à qui l’on donne sans commisération. Ceux-là, ne sont à plaindre qu’à demi. L’homme en blouse, la femme en haillons, présentent leur main par habitude, on leur donne ; et, le lendemain, ils recommencent. Mais, celui qui se vêt de draps, celle qui porte un chapeau, à qui demandent-ils du pain ?… La honte les retient dans l’ombre, dans cette obscurité inconnue, où grouillent des drames épouvantables. La faim a des accoutrements horribles quand elle frappe à certaines portes !…

— Vous n’avez aucune nouvelle de Londres ? Demanda la jeune fille.

— Et, de qui ?… De ta sœur, de ton beau-frère Horatio Mackinguss ; c’est un homme plus faux et plus barbare qu’Olivia. Ils sont puissants. Au moindre mot, au seul geste de menace, nous tomberions tous les deux, ma pauvre Ophélia !… Demander une aumône, c’est se dire vivante, et la mort seule nous protège contre eux. Ah ! si ton père vivait encore, nous irions à lui, mais…

— Il est mort. Le seul qui m’ait aimée !…

— Oui, il a cru te retrouver là-haut.