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le vampire.

Ce grand jour arrivé, l’heureuse Valérie soigna elle-même la toilette presque militaire de son fils, passa ses belles mains blanches dans la brune chevelure du jeune homme, puis baisa son front, ses yeux, sa soyeuse moustache. Enfin il partit. Mais la mère placée à la fenêtre, l’admira dans la rue, toute joyeuse quand un passant se retournait pour son costume, lorsqu’une femme donnait une œillade furtive à sa fière prestance.

C’était une brillante journée d’automne, éclatante de soleil, tempérée par un vent d’est qui faisait trembler les feuilles, car Raoul avait atteint la campagne. Lui aussi se sentait heureux. Il avait vingt ans !… Pour la première fois, la vie lui apparaissait indépendante et l’horizon de ses pensées s’élargissait. Puis il allait voir une belle femme, sa cousine Mathilde ; et, comme tous les très-jeunes gens, il devenait amoureux par anticipation. Les amoureux sont rêveurs. Et puis, que faire à vingt ans, à moins que l’on ne songe ? Ainsi, Raoul se créait loisireusement le portrait de sa cousine. Il la voyait grande, un peu corporée, car les jeunes gens ne s’éprennent guères de filles fluettes, le visage orné d’une bouche appétible, d’un nez à lobes charnus et de deux yeux larges et scintillants comme deux coupes pleines. Or, dans son croquis notre gentil cousin ne se trompait pas. Telle était la comtesse Mathilde de Boistilla.

Il devait y avoir grande chasse le lendemain, jour de la Saint-Hubert. Cette solennité inaperçue dans les villes, avait attiré sous le toit du comte une nombreuse société de bruyants chasseurs. Les chenils résonnaient des voix graves du chien courant, et les lévriers transformaient la cour en carrousel.