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Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/177

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beaux rêves sont comme toutes vos mauvaises suppositions, ils s’adressent mal.

— Vous avez raison, madame, et pourtant vous n’êtes pas une femme ordinaire. Je ne sais, mais il y a autour de vous une atmosphère de charme trop fine, trop subtile peut-être pour les gens qui vous entourent, mais qui m’a saisi au cœur. On vous ignore, et peut-être vous ignorez-vous vous-même… Avez-vous jamais aimé ?

— Oh ! non.

Cette réponse s’échappa du cœur de madame Buré, soudainement, sans réflexion et avec un tel accent d’effroi, qu’on voyait que cette femme avait toujours eu peur de son cœur, et l’avait gardé tout entier, ne pouvant pas le donner à un amour avoué, et craignant de le donner à un amour coupable. Ce mot voulait dire : Je n’ai pas aimé, je m’en suis bien gardée ; j’aurais trop aimé.

Ernest le comprit ainsi.

— Ah ! vous n’avez jamais aimé ? s’écria-t-il. Ah ! tant mieux ! Vous m’aimerez, moi.

— Ceci est plus que de la folie.