Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/178

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— Oh ! vous m’aimerez, vous dis-je. Je suis jeune, je suis riche, je suis libre ; ma carrière n’est pour moi qu’une occupation sans avenir, je puis la quitter comme je l’ai prise : tout ce que j’ai donné d’activité à des études fastidieuses, à des plaisirs plus fastidieux que ces études ; tout ce que j’ai d’avidité dans le cœur pour la vie aventureuse, je le mettrai à vous chercher, à vous poursuivre, à vous adorer. Ne voyez-vous donc pas, madame, que je vais changer ma vie insipide d’exercices, de mathématiques, de revues et de café, contre un beau roman chevaleresque, le seul roman chevaleresque de notre siècle ? Dans ce coupé de diligence, vous êtes la dame châtelaine inconnue qu’un pauvre chevalier errant rencontre, par hasard, dans une forêt, et à laquelle il se voue corps et âme. Dans quelques heures vous allez m’échapper, et je ne saurai où vous trouver. Je vous laisserai fuir, soyez-en sûre ; puis je m’orienterai et j’irai devant moi quêtant votre trace, non plus sur les pas de votre haquenée imprimés sur la route, mais