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Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/187

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pas ceux qui, mêlés de joie et de peine, nous ont demandé des années entières pour ne laisser qu’un mot après eux. Les plus puissants sont ces moments de bonheur inouï qui éclatent dans la vie comme un incendie, qui l’éclairent et la brûlent durant quelques heures, et qui, lorsqu’ils sont éteints, se représentent à nous affranchis de tous les soins endurés pour les obtenir, libres de tout désespoir de les avoir perdus. Or, ne vous est-il pas arrivé, durant une chaude journée ou durant une nuit silencieuse, seule à l’abri d’une forêt ou assise sur le bord d’un lac, d’entendre passer au loin la mystérieuse harmonie des cors dans le bois ? Ce sauvage concert dont les acteurs vous sont restés inconnus, ces voix qui n’ont duré qu’un moment, ne vous ont-ils point plongée dans une extase plus profonde que toutes celles que vous ont données les musiques les plus parfaites dans des salons illuminés de bougies ou dans une salle comblée de spectateurs ? ne vous en êtes-vous jamais souvenue comme d’un bonheur complet demeuré entre le mystère et vous ?