Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/234

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pas entièrement en moi ; et cependant, malgré cet entretien constant avec mes souvenirs, je sens qu’ils se perdent et se confondent. Je me hâte donc, pour qu’il reste quelque chose de mon âme en ce monde, pour qu’on sache combien j’ai aimé, combien j’ai souffert. Ah ! oui, j’ai aimé et j’ai souffert ! Dans le passé perdu de ma vie et dans le présent, voilà les deux seules pensées qui brillent toujours pures au milieu de ce chaos de douleurs où ma tête s’égare : c’est que j’ai tant aimé et tant souffert ! Mon Dieu, mon Dieu ! si le long supplice auquel on m’a condamnée n’a pas tout à fait égaré ma raison et éteint ma mémoire, s’il est vrai que vos saintes paroles ont dit qu’il serait beaucoup pardonné à celle qui avait beaucoup souffert et à celle qui avait beaucoup aimé, prenez-moi en pitié, mon Dieu, et faites-moi mourir, mourir vite ! et que mon enfant…

« Tuerait-il mon enfant si je mourais ?… Oh ! oui, il le tuerait. Je vivrai. Faites-moi vivre, mon Dieu, quoi qu’il arrive ; car je sens que, dussé-je devenir folle, il y aurait toujours une