Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/242

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d’avoir permis à cet homme de me dire qu’il m’aimait, de lui avoir répondu que je l’aimerais et d’avoir accepté pour un temps éloigné le lien qui devait faire la joie de ma famille ? Oh ! tout cela a été fatal. Car je sentais en moi que je ne l’aimerais jamais. Et lui, comment m’aimait-il ? je ne me l’expliquais pas, et voilà ce qui m’a perdue. Oui, me disais-je, si cette aversion que je sens pour lui venait de ce que tous nos sentiments sont ennemis, il ne m’aimerait pas, lui : l’antipathie, qui sans raison sépare deux âmes, le dominerait comme elle me domine. C’est que je ne savais pas alors qu’un homme peut aimer une femme comme le tigre aime sa proie, pour dévorer sa vie, boire ses pleurs, la tenir palpitante sous son ongle sanglant. Il l’aime, disent-ils, parce qu’il va jusqu’au crime pour l’obtenir. Ah ! mon Dieu, cet amour sauvage et altéré est-il de l’amour ? Aimer, est-ce donc autre chose que donner le bonheur ?