Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/275

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Il était si malheureux ! Ah ! ce malheur me disait si bien à quel point il m’aimait, que ce malheur me plaisait, et je l’aimais en secret de souffrir ainsi. La seule épreuve qui me fut dure à supporter, et que Dieu me pardonne cette lutte, puisque j’en sortis victorieuse ! la seule épreuve où je sentis fléchir mon courage, fut la joie du capitaine. Que Léon fût malheureux de ma froideur, c’était mon droit. Je le sentais, car je souffrais aussi. Je ne le lui disais pas ; mais, par un accord tacite avec moi-même, je comprenais que j’avais le droit de blesser celui pour qui j’avais tant de consolations cachées en moi. Mais que Léon eût à subir les regards triomphants et les railleries froides du capitaine, c’est ce qui m’irritait, c’est ce qui m’eût cent fois poussée à dire à Léon : Je mens quand je détourne mes yeux de toi, je mens quand j’évite ta rencontre, je mens quand je te parle sans bonheur et t’écoute sans paraître t’entendre ! Oui, je l’eusse averti, si je ne l’avais aimé à