Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/281

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joues. Et mes fleurs, mes belles fleurs, que je les aimai ! qu’elles me devinrent chères et précieuses ! Dès que Léon fut éloigné, je courus vers celles qui restaient encore, je les regardai l’une après l’autre ; mais l’idée de les briser m’eût révoltée, elle m’aurait semblé une odieuse ingratitude. J’étais seule, la nuit m’enveloppait d’ombre ; je pris une rose, la plus belle ; je la coupai, et là, dans une folle extase d’amour, ouvrant un passage à cette passion que je refermais depuis si longtemps, je pressai de mes baisers cette rose ainsi sauvée. Puis, entendant revenir Léon, je la jetai à terre pour lui, comme s’il devait la reconnaître ; j’en pris une autre pour moi, comme s’il me l’avait donnée, et je m’enfuis, la tête et le cœur perdus, comme si cet échange de fleurs, que j’avais fait à moi seule, avait été l’aveu de son amour et du mien.

« Le lendemain, j’étais heureuse et rayonnante. Léon m’aimait, Léon m’avait sauvée du besoin de remercier Félix. Je l’aimais de son amour et de mon aversion pour un autre. Pourtant je n’étais