Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/41

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— N’y a-t-il donc aucune chose à demander qui puisse rendre heureux ?

— Il y en a une.

— Ce n’est pas à toi de me la révéler, je le sais ; mais ne peux-tu me dire si je la connais ?

— Tu la connais ; elle s’est mêlée à toutes les actions de la vie, quelquefois en toi, le plus souvent chez les autres, et je puis t’affirmer qu’il n’est pas besoin de mon aide pour que la plupart des hommes la possèdent.

— Est-ce une qualité morale ? est-ce une chose matérielle ?

— Tu m’en demandes trop. As-tu fait ton choix ? Parle vite : j’ai hâte d’en finir.

— Tu n’étais pas si pressé tout à l’heure.

— C’est que tout à l’heure j’étais sous une de ces mille formes qui me déguisent à moi-même, et me rendent le présent supportable. Quand j’emprisonne mon être sous les traits d’une créature humaine, vicieuse ou méprisable, je me trouve à la hauteur du siècle que je mène, et je ne souffre pas du misérable rôle auquel je suis