Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle lui a jeté. Cette enfant ne leva les yeux de dessus son papier que pour dire à un vieux commis qui écrivait dans un autre coin :

— À quel prix les laines envoyées à la Roque ?

— Toujours à 2 francs.

— C’est bien, dit Charles en interrompant ; donne-moi la facture, je mettrai le prix moi-même.

Si le Diable eût été là, il aurait expliqué à Luizzi le sens intime de cette interruption. Luizzi y supposa de l’humeur. Ce beau Charles, si complétement obéissant aux moindres signes de madame Dilois, était, selon la pensée d’Armand, un amant, ou pour le moins un amoureux ; l’apparition d’un élégant baron avait dû l’alarmer, et Luizzi attribuait à la crainte que pouvait inspirer sa personne la colère qu’il avait cru voir dans les paroles du commis. Luizzi se trompait : c’était l’âme du marchand qui avait parlé dans cette interruption. Devant un homme qui venait pour faire un marché de ses laines, il était inutile de dire combien on pouvait les revendre. Voilà ce que voulait dire Charles.