Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/65

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mide et froide, parut à Luizzi un ange exilé, une belle fleur perdue parmi des ronces. Il éprouva pour elle un sentiment pareil à celui qu’il ressentit un jour pour une rose blanche mousseuse qu’un savetier avait posée sur sa fenêtre, entre un pot de basilic et un pot de chiendent. Luizzi acheta la rose et la fit mettre dans un vase de porcelaine sur la console de son salon. La rose mourut, mais elle mourut dignement. Luizzi conquit la réputation d’être quelque peu chevaleresque.

Le baron ne pouvait guère acheter la fleur penchée qui était devant lui ; mais peut-être pouvait-il la cueillir. (Je vous demande bien pardon de la pensée et de l’expression : Luizzi était né sous l’empire.) Il lui prit donc fantaisie ou plutôt désir d’être comme une étoile dans le ciel voilé de cette femme, de jeter un souvenir rayonnant dans l’ombre froide de sa vie. Luizzi était beau, jeune, parlait avec un accent d’amour dans la voix ; il n’avait ni assez d’esprit pour manquer de cœur, ni assez de cœur pour manquer d’esprit. C’était un de ces hommes qui