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guernet, sans faire attention à l’interruption de Luizzi, il y a gagné de savoir ce qu’il ne savait peut-être pas et d’avoir eu pour maîtresse la plus belle fille de Toulouse.

— Quoi ! reprit Luizzi, l’abbé de Sérac a revu cette Mariette ?

— Si bien, repartit Ganguernet, que j’ai été obligé un soir de le mettre à la porte à grands coups de pied.

— Si bien, repartit la femme voilée qui était remontée dans la voiture, qu’il vous a jeté au bas de l’escalier un jour que vous vouliez entrer chez Mariette.

Ganguernet et Luizzi tressaillirent à cette voix qu’il leur sembla reconnaître, et tous deux sans doute allaient interroger la femme voilée qui se cachait dans un coin, lorsque le notaire, à qui l’histoire de Ganguernet avait donné l’envie de raconter la sienne, dit d’un ton doctoral :

— Voilà qui est très-drôle ; mais ce que vous ne savez pas, assurément, c’est le motif pour lequel M. Sérac s’est fait prêtre ?

— Vous le savez ? s’écria Luizzi, qui croyait voir s’éclaircir pour lui le mystère dont était entourée l’histoire de la malheureuse Lucy.

— Hum ! dit le notaire, je le sais n’est pas le mot ; mais il me semble que je le devine, car voici ce qui se passa le jour même du mariage de mademoiselle Lucy de Crancé avec le marquis du Val.


XIII

COSI FAN TUTTE.


— Voyons, voyons ! dit Armand.

Et l’ex-notaire commença ainsi :

« Comme vous le savez, ce mariage eut lieu durant les cent-jours. M. le comte de Crancé, père de mademoiselle Lucy, avait fait comme tant d’autres nobles, je suis bien fâché de le dire devant monsieur le baron : il s’était dévoué tout entier au service de ce gueux de Bu-o-na-par-té (nous écrivons ce nom de la manière qu’on vient de voir, pour montrer comment le prononçait M. Faynal). Or, quand il revint de l’armée, en 1814, après la chute de ce brigand de Bu-o-na-par-té, il trouva que sa femme, qu’il avait laissée à Toulouse pour faire les honneurs de sa maison pendant qu’il allait faire la guerre avec l’usurpateur, avait pour habitude de recevoir tous les