Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/218

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plus avancé après ce renseignement.

— Eh oui ! reprit l’interlocuteur avec impatience, Laura de Farkley, celle dont on a dit si spirituellement qui la voudra l’aura. Vous comprenez le calembour ?

— Oui, vraiment. Mais c’est son histoire qui me semble curieuse à connaître ?

— Son histoire, tout le monde vous la dira.

— Vous avez bien raison de dire tout le monde, reprit un monsieur qui s’introduisit alors dans la conversation sans bouger du carcan de sa cravate blanche dressée à l’empois, élégant fort renommé à cette époque pour le cassé de ses plis et la régularité de ses nœuds ; vous avez bien raison de dire tout le monde, car personne ne peut la savoir complétement.

— Mais, reprit celui auquel Luizzi s’était adressé, voilà Cosmes de Mareuilles, qui a été, dit-on, son amant, et qui doit avoir des renseignements exacts à donner à M. Luizzi.

— Bah ! fit l’autre, Cosmes est comme nous tous, il connaît celui qui l’a précédé et celui qui l’a suivi.

— Et celui qui a partagé, peut-être.

— C’est probable, mais il n’est pas homme à faire des recensements ; il faut être très-habile arithméticien pour faire des additions d’une certaine longueur, et ce n’est pas là le talent de Cosmes.

— Je voudrais pourtant savoir, reprit Luizzi…

— Ah ! mon cher, s’écria l’un des deux fats, j’aimerais autant vous réciter les Mille et une Nuits. D’ailleurs, comme je vous le disais d’abord, personne ne peut vous raconter cette histoire, si ce n’est madame de Farkley elle-même ; et encore faudrait-il, pour qu’elle fût exacte, que tous les matins elle en publiât une nouvelle édition, revue, corrigée et surtout augmentée.

Luizzi n’entendit pas cette dernière charmante plaisanterie ; car, lorsqu’on lui avait dit que madame de Farkley pouvait seule raconter son histoire, il avait pensé sur-le-champ qu’il pouvait l’apprendre d’une manière complète de celui qui lui en avait déjà tant conté, et il se réserva de satisfaire sa curiosité. Mais afin de rendre cette nouvelle épreuve plus profitable que les autres, il voulut d’abord connaître madame de Farkley par elle-même. Il désira savoir quelle espèce de récit elle faisait sur son propre compte ; il supposa que jamais meilleure circonstance ne s’était présentée de mesurer le vice dans son plus haut développement, soit que cette femme portât son inconduite avec une impudence à braver tous les outrages, soit qu’elle prétendît la cacher sous une hypocrisie qui semblât ne pas les apercevoir.

Dès qu’il eut pris ce parti, il pénétra dans le salon envahi