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— Mons Satan, lui dit le baron, point de préambule, point de réflexion, point de dissertation morale ou immorale ; tu vas me raconter tout de suite la fin de l’histoire de madame du Bergh, puis celle de madame de Fantan, puis celle de madame de Marignon.

— Cela fait trois histoires à t’apprendre, trois histoires de femmes ! En voilà pour trois semaines au moins, il faut que tu m’accordes un délai.

— Non, je veux, j’exige que tu commences tout de suite, et, puisque le bruit de cette clochette a le don de te faire sentir plus cruellement tes éternelles tortures, je les rendrai si épouvantables que tu obéiras sans délai. Commence donc !

— Pour commencer tout de suite, c’est la moindre des choses, mais c’est finir qui est diabolique. Je suis tout prêt à commencer, si tu veux me dire quand tu veux que j’aie fini. Je t’ai demandé trois semaines.

— Je ne te donnerai pas trois jours, repartit Luizzi.

— Je n’en exige que deux, répondit le Diable. C’est aujourd’hui dimanche, il est midi. Eh bien ! mardi, à pareille heure, quand tu sauras de madame Farkley ce qu’elle est, à l’heure où tous tes amis viendront ici te demander une explication, tu pourras leur répondre, tu pourras répondre aussi à madame de Marignon, car tu sauras tout ce que tu veux savoir.

— Soit ! dit Luizzi ; et, puisque ce récit doit être si long, tâche de commencer tout de suite.

— Je tâcherai surtout de l’abréger, repartit le Diable, et, si tu veux m’y aider, cela te sera facile.

— Et comment ?

— En ne m’interrompant pas et en me laissant conter à ma guise.

— Soit !

Luizzi était couché, le Diable se mit dans un vaste fauteuil, il tira la sonnette, et dit au valet de chambre de Luizzi :

— Le baron n’est chez lui pour personne, entendez-vous bien ? pour personne.

Le valet de chambre se retira. Le Diable, ayant allumé un cigare, se tourna vers Luizzi et lui dit :


XIX

SUITE DU PREMIER FAUTEUIL : UNE AFFECTION.


— As-tu jamais lu Molière ?

— Satan, Satan ! tu abuses de ma patience ; je t’ai demandé la fin des aventures de ma-