Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/314

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Luizzi s’arrêta, le Diable ne continua pas son récit.

— Eh bien ! lui dit Luizzi, que fais-tu ?

— Je t’écoute mettant cette fable en action.

Luizzi se mordit les lèvres, et reprit avec humeur :

— Continue.

— Or, reprit Satan, le marquis ajouta : « Cela veut dire, Messieurs, qu’avant un an écoulé, aucun de nous ne cherchera à obtenir Olivia. D’ici là, chacun pourra tenter de lui plaire ; mais il n’ira pas au delà. Engageons-nous d’honneur à la respecter pendant un an. Au bout de ce temps, la lice sera ouverte, et heureux celui qui alors emportera le prix ! car il obtiendra la beauté la plus parfaite et la plus achevée.

« — Et qui sait, marquis ! s’écria le vicomte d’Assimbret, qui sait où je serai dans un an ? Dieu seul en a le secret, et pour ma part je ne suis pas de votre avis. D’ailleurs, pendant que nous resterons à passader devant Olivia, il peut se trouver quelqu’un qui ne sera pas de la société et qui nous la soufflera. J’entre en campagne dès demain.

« — Messieurs, Messieurs, dit la Béru avec la dignité d’une femme laide, vous oubliez devant qui vous parlez.

« — Au contraire ! s’écria le marquis de Billanville, et c’est parce que je vous sais très-raisonnable que je pense que vous serez de mon avis.

« — Eh non ! reprit le vicomte, ma Béru ne veut pas attendre, elle n’attendra pas, elle n’a pas le sou ; je sais l’état de sa bourse, et j’offre cent mille livres comptant.

« — Oh ! oh ! oh ! fit alors un gros homme qui n’avait pas parlé ; cent mille livres, voilà un fameux denier ! J’en offre cinq cent mille.

« — Comptant ? » s’écria la Béru, emportée par l’offre.

Le gros homme, qui était sous-fermier de la gabelle, se tut.

« — Je les offre dans un an, reprit-il, car je suis de l’avis du marquis : il faut attendre.

« — Toi, mons Libert, gros sac d’écus, tu veux attendre ? » dit le vicomte.

— Libert ! s’écria Luizzi. Je connais ce nom, n’est-ce pas ?

Mais le Diable ne prit pas garde à l’interruption du baron, ou plutôt il ne voulut pas l’entendre, et il continua à dire l’apostrophe du vicomte au sous-fermier. Elle finissait ainsi :

« — Tais-toi donc, mons Libert ! dit le vicomte ; tu n’as d’autre envie que d’attendre la mort de ta femme qui t’arracherait les yeux si elle te savait une maîtresse un peu du monde. Tu lui as donc choisi un bon médecin, que tu es sûr d’être libre dans un an ?

« — Nous sommes deux de l’avis d’ajourner, reprit le marquis ; vous devez être avec nous, l’abbé ? vous ne pouvez pas avoir Olivia avant d’être sûr de votre