Libert ?
— Je vous le dirai demain. Allez voir les Deux Forçats, et étudiez cette pièce aussi bien que l’Enfant Trouvé.
— Je comprends ! il s’agit d’un secret avec lequel on peut forcer le détenteur à rembourser.
— C’est quelque chose comme cela. Bonsoir ! j’attends la personne qui doit me donner les derniers renseignements.
— Adieu donc et à demain ! dirent les deux Ganguernet, dont un comte, et ils sortirent.
Luizzi sonna le Diable.
— Ah çà ! mon cher, tu me parais devenir un peu plus qu’impertinent, dit Satan en entrant.
— Moi ? répondit Luizzi tout étourdi de l’apostrophe.
— Toi. Comment, voilà vingt minutes que tu me fais faire antichambre !
— Tu es leste, répondit Luizzi avec dédain ; tu en as sans doute fini avec ton mandarin ?
— Comme toi avec les Ganguernet.
— Tu as semé le mal pour récolter le crime.
— C’est bon pour un niais comme toi ! J’ai semé le bien pour faire croître des forfaits, j’ai prêché la réconciliation pour fomenter la haine.
— Cela me paraît un chef-d’œuvre dont je t’envie peu la gloire.
— Tu travailles assez bien à la tienne dans ce genre pour n’avoir rien à m’envier.
— Prétends-tu parler de mon projet de faire épouser mademoiselle de Marignon à M. Gustave Ganguernet ?
— Il me semble que c’est une assez jolie infamie.
— Bon ! fit Luizzi, une vengeance, ou plutôt une mystification.
— Je sais que, vous autres hommes, vous avez des noms sonores et pompeux, et des noms plaisants et sans conséquence à donner à vos crimes. Tu t’y entends déjà assez bien ; un peu plus et tu ferais le Ganguernet, tu appellerais cela une bonne farce.
— Prétends-tu me détourner de mon projet ?
— Ni t’en détourner ni t’y servir.
— C’est cependant ce que tu vas faire en me disant la fin de l’histoire de madame de Marignon.
— Pauvre femme ! dit le Diable d’un air de pitié qui fit rire Luizzi.
— Il est certain qu’elle est bien digne que tu la plaignes !
— Pauvre femme ! pauvre femme ! répondit le Diable en secouant la tête.
— Tu deviens ridicule, Satan, tu t’attendris.
— Tu as raison, je m’attendris et toi tu fais le méchant : nous sortons tous deux de notre rôle.
— Reprends donc le tien, et surtout reprends ton récit.
— M’y voilà.